Pendant les périodes d'élections, on voit dans les médias une myriade de sondages avec parfois des pouvoirs prédictifs surprenants. Aux dernières élections européennes par exemple, les sondages se sont révélés assez justes. On peut se demander comment font les instituts de sondage pour atteindre une telle précision.

Eh bien, c'est ce que je vous propose d'observer aujourd'hui. Comment sont-ils aussi précis, et comment savent-ils qu'ils sont précis ? Un peu de statistiques au programme, et bien sûr un petit graphique !

La méthode

Les sondages politiques, s'ils sont bien fait, suivent des protocoles rigoureux pour garantir la représentativité et la fiabilité des résultats.

Prenons l'exemple de l'enquête Ipsos pour Le Monde - Intentions de vote pour les élections européennes de 2024

Voici les principales étapes du processus :

  1. Échantillonnage : Un échantillon représentatif de la population française est constitué. La méthode des quotas est appliquée pour s'assurer que l'échantillon reflète la diversité de la population en termes de sexe, âge, profession, région et catégorie d’agglomération.
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Contrairement aux échantillons aléatoires, la méthode des quotas n'utilise pas de sélection aléatoire. Les enquêteurs sélectionnent les participants en fonction des quotas prédéfinis. Par exemple, si 20% de la population est composée de femmes âgées de 30 à 40 ans, l'échantillon doit également comprendre 20% de femmes de cette tranche d'âge.
  1. Collecte des Données : Les personnes présélectionnées et préalablement inscrites sont interrogées via internet pour recueillir rapidement un grand nombre de réponses.
  2. Traitement des Données : Les résultats bruts sont analysés en respectant les méthodes statistiques. Les résultats sont pondérés pour corriger les éventuels biais de non-réponse et assurer que les données reflètent fidèlement la population cible.

La précision

La précision des sondages dépend de plusieurs facteurs. Examinons cela plus en détail avec un graphique.

Sur l'axe vertical vous avez la marge d'erreur. La marge d'erreur est un indicateur de la précision des résultats d'un sondage. Une marge d'erreur faible signifie que les résultats du sondage sont très proches de ce que serait la mesure réelle dans toute la population.

Par exemple, une marge d'erreur de ±1% signifie que si un sondage montre que 20% des personnes voteraient pour un certain candidat, le véritable pourcentage dans la population se situe probablement entre 19% et 21%.

Sur l'axe horizontal, vous avez le score probable des candidats. On remarque que plus ce score se rapproche de 50%, plus la marge d'erreur augmente. La plus large gamme de réponses possibles autour des scores intermédiaires augmente l'incertitude. Avec plus de variabilité, il est plus difficile de prédire avec précision ce que serait le score réel de la population.

Enfin, chacune des courbes représente une taille d'échantillon, allant de 100 personnes (courbe la plus claire) à 15 000 personnes (courbe la plus foncée). Sans surprise, la taille de l'échantillon joue un rôle crucial dans la précision des sondages. Plus on interroge de personnes, plus la marge d'erreur est faible.a

Sur le graphique, on observe que pour des échantillons de 100 personnes, la marge d'erreur est grande et peut atteindre jusqu'à ±10%. En revanche, pour des échantillons plus grands, la marge d'erreur devient beaucoup plus faible.

On remarque d'ailleurs que à partir d'échantillons de 2500 personnes, la marge d'erreur passe sous les 2%, et ne diminue plus beaucoup lorsque la taille de l'échantillon continue d'augmenter. Cela explique pourquoi les enquêteurs du sondage Ipsos Intentions de vote pour les élections européennes de 2024 considérent que leurs résultats sur des échantillons de 4884 et 8923 personnes sont fiables.

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Pour ceux qui aiment les détails techniques, sachez que l'outil statistique permettant de connaître ces marges d'erreur est l'intervalle de confiance. On calcule généralement les intervalles de confiance de telle sorte que, si l'on réalisait le sondage 100 fois, les résultats se trouveraient dans l'intervalle spécifié 95 fois sur 100. On parle alors d'un intervalle de confiance à 95%.

Le mot de la fin

On a fait le tour de la partie technique. Les sondages, même s'ils ne sont pas infaillibles, sont des outils statistiques relativement précis dans la mesure où la méthodologie employée pour les réaliser est rigoureuse.

Essayons-nous maintenant à un peu de reflexion.

Que penser des sondages ? Sont-ils utiles à la démocratie ? Plutôt que de fournir une réponse tranchée, voyons les deux côtés de la pièce :

Oui, ils sont utiles parce que :

  • Ils fournissent un aperçu des tendances et des opinions majoritaires à un moment donné, aidant ainsi à informer le débat public.
  • Ils permettent aux candidats et aux partis de comprendre les préoccupations des électeurs et d'ajuster leurs campagnes en conséquence.
  • Ils donnent aux électeurs une idée de la dynamique électorale et peuvent encourager une participation plus informée.

Mais ils peuvent aussi être néfastes parce que :

  • Ils peuvent influencer les intentions de vote en créant soit un effet de troupeau, où les électeurs sont influencés à suivre la majorité perçue, soit en décourageant les partisans des candidats moins bien placés dans les sondages, diminuant ainsi la participation électorale.
  • En se concentrant trop sur les chiffres, ils peuvent détourner l'attention des véritables enjeux politiques et des débats substantiels.

En fin de compte, les sondages peuvent éclairer certaines tendances, mais ils ne doivent pas remplacer la participation active et informée de chaque citoyen.


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